Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, III.djvu/446

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la confiance plus malheureuse encore qu’on a répondu à des difficultés formidables avec quelques mots indéfinis et indéfinissables sans les trouver vides de sens ; que, sous le nom de physique, on s’épuise en disputes sur les éléments de la matière et les systèmes du monde ; pas un mot d’histoire naturelle, pas un mot de bonne chimie, très-peu de choses sur le mouvement et la chute des corps ; très-peu d’expériences, moins encore d’anatomie, rien de géographie. À l’exception des premiers principes de l’arithmétique, de l’algèbre et de la géométrie, dont l’enseignement est dû à un de mes anciens maîtres[1], presque rien qui vaille la peine d’être retenu et qu’on n’apprît beaucoup mieux en quatre fois moins de temps.

Le seul avantage qu’on n’avait point en vue et qu’on remporte de nos écoles, c’est l’habitude de s’appliquer, et de s’appliquer constamment à des choses frivoles mais difficiles, habitude qui donne une merveilleuse facilité pour des objets plus importants dans toutes les fonctions de la société ; habitude qui distingue singulièrement un homme d’un autre, surtout si l’usage du monde guérit le premier de l’ergoterie, ce qui n’arrive pas toujours.

Voilà donc le fruit de sept à huit années d’un pénible travail et d’une prison continue.

Je ne crois pas que les universités d’Allemagne soient beaucoup mieux ordonnées que les nôtres. La méthode barbare de Wolf y a perdu le bon goût.

L’école de Leyde, autrefois si vantée pour ses Vitriarius et ses Boerhaave, n’est plus rien. Le Philopœmen de cette université, l’anatomiste Albinus vient de mourir, et le célèbre Camper, trop envié, n’a pu le remplacer.

Je reviens à notre université. À l’extrémité de cette longue et stérile avenue qu’on appelle la Faculté des arts, sur laquelle on s’est ennuyé et fatigué sans fruit pendant sept à huit ans, s’ouvrent trois vestibules par lesquels on entre ou dans la Faculté de théologie, ou dans la Faculté de droit, ou dans la Faculté de médecine.

Jusque-là, on n’avait été qu’écolier ; c’est ici qu’on prend le titre de docteur. Pour celui de docte, c’est autre chose.

  1. Rivard. Voyez note 2 p. 452, t. II. Il en sera question encore.