Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, III.djvu/447

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QUESTIONS ET RÉPONSES.

Mais tous ceux qui ont suivi l’avenue des arts jusqu’au bout entrent-ils dans une de ces trois facultés ?

— Non.

— Que deviennent-ils donc ?

— Paresseux, ignorants, trop âgés pour commencer à s’instruire de quelque art mécanique, ils se font comédiens, soldats, filous, joueurs, fripons, escrocs et vagabonds.

— Et ceux qui la quittent dans son trajet ?

— Ils ont perdu moins de temps, ils ne savent rien, mais rien du tout qui puisse leur servir ; cependant ils ne sont pas incapables de quelques professions utiles, et c’est leur ressource. L’intention de Sa Majesté Impériale n’est pas sans doute que son université soit calquée sur ce modèle, et elle me permettra d’ajouter ni la mienne.


DE NOTRE FACULTÉ DE DROIT.

Notre Faculté de droit est misérable. On n’y lit pas un mot du droit français ; pas plus du droit des gens que s’il n’y en avait point ; rien de notre code ni civil ni criminel ; rien de notre procédure, rien de nos lois, rien de nos coutumes, rien des constitutions de l’État ; rien du droit des souverains, rien de celui des sujets ; rien de la liberté, rien de la propriété, pas davantage des offices et des contrats.

— De quoi s’occupe-t-on donc ?

— On s’occupe du droit romain dans toutes ses branches, droit qui n’a presque aucun rapport avec le nôtre ; en sorte que celui qui vient d’être décoré du bonnet de docteur en droit est aussi empêché, si quelqu’un lui corrompt sa fille, lui enlève sa femme ou lui conteste son champ, que le dernier des citoyens. Toutes ses belles connaissances lui seraient infiniment utiles s’il s’appelait Mœvius ou Sempronius et que nous rétrogradions aux temps d’Honorius ou d’Arcadius ; c’est là qu’il plaiderait supérieurement sa cause. Sous Louis XVI, il est aussi sot que l’habitant de Chaillot et bien plus sot que le paysan de Basse-Normandie. La faculté de droit n’habite plus un vieux bâtiment