Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, III.djvu/528

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Je ne pourrais donc approuver la politique qui regarderait le clergé avec la même indifférence que les autres corporations, et qui permettrait à chacun d’être prêtre, bon ou mauvais prêtre, comme il est permis, dans les contrées assez bien policées, pour que chaque citoyen puisse sans obstacle tirer parti de son talent, d’être bon ou mauvais tailleur, bon ou mauvais cordonnier.

Cette faculté de théologie ne peut donc être totalement supprimée.

J’aurais achevé ma tâche, si je m’en tenais à l’ordre des études d’une université ; en voilà le plan et la justification de ce plan, mais son exécution suppose des supérieurs, des inférieurs, des maîtres, des élèves, des livres classiques, des instruments, des bâtiments, une police, autant d’objets que je vais traiter sommairement.


DE L’ÉTAT DE SAVANT.


Si une nation n’est pas instruite, peut-être sera-t-elle nombreuse et puissante, mais elle sera barbare, et l’on ne me persuadera jamais que la barbarie soit l’état le plus heureux d’une nation, ni qu’un peuple s’achemine vers le malheur à mesure qu’il s’éclaire ou se civilise ou que les droits de la propriété lui sont plus sacrés.

La propriété des biens et celle de la personne, ou la liberté civile, supposent de bonnes lois et avec le temps amènent la culture des terres, la population, les industries de toute espèce, des arts, des sciences, le beau siècle d’une nation.

Entre les sciences, les unes sont filles de la nécessité ou du besoin, telles sont la médecine, la jurisprudence, les premiers éléments de la physique et des mathématiques ; les autres naissent de l’aisance et peut-être de la paresse, telles sont la poésie, l’éloquence et toutes les branches de la philosophie spéculative.

Un père s’est enrichi par le commerce ; il a un grand nombre d’enfants ; parmi ces enfants il en est un qui ne veut rien faire, ses bras faibles et délicats lui ont donné de l’aversion pour la navette, la scie ou le marteau ; il se lève tard ; il reste assis la tête penchée sur la poitrine, il réfléchit, il médite ; il se fait poète, orateur, prêtre ou philosophe.