Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, IV.djvu/121

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

toi, ce n’est qu’en les rendant heureux que tu le seras toi-même ; tel est l’ordre du destin ; si tu tentais de t’y soustraire, songe que la haine, la vengeance et le remords sont toujours prêts à punir l’infraction de ses décrets irrévocables.

« Suis donc, ô homme ! dans quelque rang que tu te trouves, le plan qui t’est tracé pour obtenir le bonheur auquel tu peux prétendre. Que l’humanité sensible t’intéresse au sort de l’homme ton semblable ; que ton cœur s’attendrisse sur les infortunes des autres ; que ta main généreuse s’ouvre pour secourir le malheureux que son destin accable ; songe qu’il peut un jour t’accabler ainsi que lui ; reconnais donc que tout infortuné a droit à tes bienfaits. Essuie surtout les pleurs de l’innocence opprimée ; que les larmes de la vertu dans la détresse soient recueillies dans ton sein ; que la douce chaleur de l’amitié sincère échauffe ton cœur honnête ; que l’estime d’une compagne chérie te fasse oublier les peines de la vie ; sois fidèle à sa tendresse, qu’elle soit fidèle à la tienne ; que sous les yeux de parents unis et vertueux tes enfants apprennent la vertu ; qu’après avoir occupé ton âge mûr, ils rendent à ta vieillesse les soins que tu auras donnés à leur enfance imbécile.

« Sois juste, parce que l’équité est le soutien du genre humain. Sois bon, parce que la bonté enchaîne tous les cœurs. Sois indulgent, parce que, faible toi-même, tu vis avec des êtres aussi faibles que toi. Sois doux, parce que la douceur attire l’affection. Sois reconnaissant, parce que la reconnaissance alimente et nourrit la bonté. Sois modeste, parce que l’orgueil révolte des êtres épris d’eux-mêmes. Pardonne les injures, parce que la vengeance éternise les haines. Fais du bien à celui qui t’outrage, afin de te montrer plus grand que lui et de t’en faire un ami. Sois retenu, tempéré, chaste, parce que la volupté, l’intempérance et les excès détruiront ton être et te rendront méprisable.

« Sois citoyen, parce que ta patrie est nécessaire à ta sûreté, à tes plaisirs, à ton bien-être. Sois fidèle et soumis à l’autorité légitime, parce qu’elle est nécessaire au maintien de la société qui t’est nécessaire à toi-même. Obéis aux lois, parce qu’elles sont l’expression de la volonté publique à laquelle ta volonté particulière doit être subordonnée. Défends ton pays, parce que c’est lui qui te rend heureux et qui renferme tes biens ainsi