Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, IV.djvu/179

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— Non.

— Monsieur l’imposteur, vous voilà donc à bout ?

— Pas tout à fait.

— Cependant, je ne vois plus personne avec qui l’on puisse avoir des aventures. Est-ce avant, est-ce après mon mariage ? répondez donc, impertinent.

— Ah ! madame, trêve d’invectives, s’il vous plaît ; ne forcez point le meilleur de vos amis à quelques mauvais procédés.

— Parlez, mon cher ; dites, dites tout ; j’estime aussi peu vos services que je crains peu votre indiscrétion : expliquez-vous, je vous le permets ; je vous en somme.

— À quoi me réduisez-vous, Ismène ? ajouta le bijou, en poussant un profond soupir.

— À rendre justice à la vertu.

— Eh bien, vertueuse Ismène, ne vous souvient-il plus du jeune Osmin, du sangiac[1] Zégris, de votre maître de danse Alaziel, de votre maître de musique Almoura ?

— Ah, quelle horreur ! s’écria Ismène ; j’avais une mère trop vigilante, pour m’exposer à de pareils désordres ; et mon mari, s’il était ici, attesterait qu’il m’a trouvée telle qu’il me désirait.

— Eh oui reprit le bijou, grâce au secret d’Alcine[2], votre intime.

— Cela est d’un ridicule si extravagant et si grossier, répondit Ismène, qu’on est dispensée de le repousser. Je ne sais, continua-t-elle, quel est le bijou de ces dames qui se prétend si bien instruit de mes affaires, mais il vient de raconter des choses dont le mien ignore jusqu’au premier mot.

— Madame, lui répondit Céphise, je puis vous assurer que le mien s’est contenté d’écouter. »

Les autres femmes en dirent autant, et l’on se mit au jeu, sans connaître précisément l’interlocuteur de la conversation que je viens de rapporter.

  1. Nom générique des provinces et des gouverneurs de ces provinces en Turquie.
  2. Voir plus haut, p. 152.