— Toujours des gageures, interrompit Mangogul ; cela m’impatiente : ces femmes sont incorrigibles : eh ! madame, gagnez votre château, et vous gagerez ensuite.
— Madame, dit Sélim à la favorite, Fulvia ne pourrait-elle pas vous être bonne à quelque chose ?
— Et comme quoi ? demanda Mirzoza.
— Je me suis aperçu, répondit le courtisan, que les bijoux n’ont presque jamais parlé qu’en présence de Sa Hautesse ; et je me suis imaginé que le génie Cucufa, qui a opéré tant de choses surprenantes en faveur de Kanoglou, grand-père du sultan, pourrait bien avoir accordé à son petit fils le doit de les faire parler. Mais le bijou de Fulvia n’a point encore ouvert la bouche, que je sache ; n’y aurait-il pas moyen de l’interroger, et de vous procurer le château, et de me convaincre de la fidélité de ma maîtresse ?
— Sans doute ; reprit le sultan ; qu’en pensez-vous, madame ?
— Oh ! je ne me mêle point d’une affaire si scabreuse : Sélim est trop de mes amis pour l’exposer, à l’appât d’un château, à perdre le bonheur de sa vie.
— Mais vous n’y pensez pas, reprit le sultan ; Fulvia est sage, Sélim en mettrait sa main au feu ; il l’a dit, il n’est pas homme à s’en dédire.
— Non, prince, répondit Sélim ; et si Votre Hautesse me donne rendez-vous chez Fulvia, j’y serai certainement le premier.
— Prenez garde à ce que vous proposez, reprit la favorite ; Sélim, mon pauvre Sélim, vous allez bien vite ; et tout aimable que vous soyez…
— Rassurez-vous, madame ; puisque le sort en est jeté, j’entendrai Fulvia ; le pis qui puisse en arriver, c’est de perdre une infidèle.
— Et de mourir de regret de l’avoir perdue, ajouta la sultane.
— Quel conte ! dit Mangogul ; vous croyez donc que Sélim est devenu bien imbécile ? Il a perdu la tendre Cydalise, et le voilà tout plein de vie ; et vous prétendez que, s’il venait à reconnaître Fulvia pour une infidèle, il en mourrait ? Je vous le garantis éternel, s’il n’est jamais assommé que de ce coup-là.