Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, IV.djvu/392

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sœur, qu’il est charmant ! Que son plumage est doux ! qu’il est lisse et poli ! Mais il a le bec et les pattes couleur de rosé, et les yeux d’un noir admirable ! »

LA SULTANE.

Quelles étaient ces deux femmes ?

LA PREMIÈRE FEMME.

Deux de ces vierges que les Chinois renferment dans des cloîtres.

LA SULTANE.

Je ne croyais pas qu’il y eût des couvents à la Chine.

LA PREMIÈRE FEMME.

Ni moi non plus. Ces vierges couraient un grand péril à cesser de l’être sans permission. S’il arrivait à quelqu’une de se conduire maladroitement, on la jetait pour le reste de sa vie dans une caverne obscure, où elle était abandonnée à des génies souterrains. Il n’y avait qu’un moyen d’échapper à ce supplice, c’était de contrefaire la folle ou de l’être. Alors les Chinois qui, comme nous et les Musulmans, ont un respect infini pour les fous, les exposaient à la vénération des peuples sur un lit en baldaquin, et, dans les grandes fêtes, les promenaient dans les rues au son de petites clochettes et de je ne sais quels tambourins à la mode, dont on m’a dit que le son était fort harmonieux.

LA SULTANE.

Continuez ; fort bien, madame. Je me sens envie de bâiller.

LA SECONDE FEMME.

Voilà donc l’oiseau blanc dans le temple de la grande guenon couleur de feu.

LA SULTANE.

Et qu’est-ce que cette guenon ?

LA SECONDE FEMME.

Une vieille pagode très encensée, la patronne de la maison. D’aussi loin que les vierges compagnes d’Agariste l’aperçurent avec son bel oiseau sur le poing, elles accourent, l’entourent, et lui font mille questions à la fois. Cependant l’oiseau s’élevant subitement dans les airs, se met à planer sur elles ; son ombre les couvre, et elles en conçoivent des mouvements singuliers. Agariste et Mélisse éprouvent les premières les merveilleux effets de son influence. Un feu divin, une ardeur sacrée s’allu-