ment dans leur cœur ; je ne sais quels épanchements lumineux et subtils passent dans leur esprit, y fermentent, et de deux idiotes qu’elles étaient, en font les filles les plus spirituelles et les plus éveillées qu’il y eut à la Chine : elles combinent leurs idées, les comparent, se les communiquent, et y mettent insensiblement de la force et de la justesse.
En furent-elles plus heureuses ?
Je l’ignore. Un matin l’oiseau blanc se mit a chanter, mais d’une façon si mélodieuse, que toutes les vierges en tombèrent en extase. La supérieure, qui jusqu’à ce moment avait fait l’esprit fort et dédaigné l’oiseau, tourna les yeux, se renversa sur ses carreaux et s’écria d’une voix entrecoupée : « Ah ! je n’en puis plus !… je me meurs !… je n’en puis plus !… Oiseau charmant, oiseau divin, encore un petit air. »
Je vois cette scène ; et je crois que l’oiseau blanc avait grande envie de rire en voyant une centaine de filles sur le côté, l’esprit et l’ajustement en désordre, l’œil égaré, la respiration haute, et balbutiant d’une voix éteinte des oraisons affectueuses à leur grande guenon couleur de feu. Je voudrais bien savoir ce qu’il en arriva.
Ce qu’il en arriva ? Un prodige, un des plus étonnants prodiges dont il soit fait mention dans les annales du monde.
Premier émir, continuez.
Il en naquit nombre de petits esprits, sans que la virginité de ces filles en souffrît.
Allons donc, émir, vous vous moquez. Je veux bien qu’on me fasse des contes ; mais je ne veux pas qu’on me les fasse aussi ridicules.
Songez donc, madame, que c’étaient des esprits.