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LA VÉRITÉ

OUVRAGE ANONYME, INTITULÉ AUTREMENT
LES MYSTÈRES DU CHRISTIANISME APPROFONDIS RADICALEMENT ET RECONNUS PHYSIQUEMENT VRAIS[1].


(inédit.)




Il est impossible d’imaginer une production plus extravagante, un plus indigne abus de la connaissance des langues hébraïque, chaldéenne, syriaque et grecque, un usage plus méprisable et peut-être une satire plus violente de l’étymologie.

La Trinité, c’est Dieu protecteur, Dieu animateur, Dieu conservateur. Jésus-Christ est le membre viril, son sang répandu c’est le fluide séminal. La croix est la femme. Le salut du monde opéré par ce mystère, c’est la reproduction éternelle de l’espèce humaine.

Jean qui prêche dans le désert, qui s’approche des villes, dont la tête est présentée à Hérodiade dans un bassin, c’est le symbole le plus cynique de l’approche de l’homme et de la femme.

Ainsi du reste de l’ouvrage qu’on peut regarder comme un prodige de délire, et la plus froide, la plus insipide et la plus savante dérision de l’Ancien et du Nouveau Testament.

On attribue cet ouvrage à un homme de qualité, appelé le comte de Bescour[2]. On n’a pas une idée de la folie de cette production, quand on ne la connaît pas soi-même. Les fous enfermés aux Petites-Maisons ne sont pas plus fous ; mais certes ils ne sont pas aussi savants. Il y a plus de danger à avoir fait cet ouvrage que le Système de la nature.

Au reste, il est impossible que des folies n’engendrent des folies, lorsqu’au lieu de les reconnaître franchement pour ce qu’elles sont, les hommes se tourmenteront, par intérêt, par

  1. La Correspondance de Grimm, juillet 1771, ne donne que le premier paragraphe de cet article.
  2. Barbier, d’après Moët, nomme cet illuminé Bebescourt.