Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, IV.djvu/64

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se préserver de l’ambiguïté, sorte d’écueil qu’évitera toujours celui qui s’en tient à la morale purement expérimentale. Qu’il ait tort ou qu’il ait raison, il sera toujours clair et intelligible. Après tout, si notre Italien n’entend autre chose par son contrat social, que ce qu’ont entendu quelques-uns de nos auteurs anglais, savoir l’obligation tacite, réciproque des puissants de protéger les faibles en retour des services qu’ils en exigent, et les faibles, de servir les puissants en retour de la protection qu’ils en obtiennent, nous sommes prêts à convenir qu’un tel tacite contrat a existé depuis la création du monde, et subsistera tant qu’il y aura deux hommes vivant ensemble sur la surface de la terre. Mais avec quelle circonspection n’élèverons-nous pas sur cette pauvre base un édifice de liberté civile, lorsque nous considérerons qu’un contrat tacite de cette espèce subsiste actuellement entre le Grand Mogol et ses sujets, entre les colons de l’Amérique et leurs nègres, entre le laboureur et son bœuf ; et que peut-être ce dernier est de tous les contrats tacites celui qui a été le plus fidèlement et le plus ponctuellement exécuté par les parties contractantes !

Mais pour en venir à quelque chose qui ait un rapport plus immédiat à la nature du Traité des délits, il dit qu’en politique morale il n’y a aucun avantage permanent à espérer de tout ce qui n’est pas fondé sur les sentiments indélébiles du genre humain ; et c’est là certainement une de ces vérités incontestables à laquelle doivent faire une égale attention, et ceux qui se proposent d’instituer des lois, et ceux qui ne se proposent que de les réformer ; mais après le désir de sa propre conservation, y a-t-il dans l’homme un sentiment plus universel, plus ineffaçable que le désir de la supériorité et du commandement ? sentiment que la nécessité présente peut réprimer, mais jamais éteindre dans le cœur d’aucun mortel. Peu sont capables de remplir les devoirs de chef ; tous aspirent à l’être. La chose étant ainsi, si l’on veut prévenir les suites dangereuses du passage continuel de la puissance d’une main dans une autre, il est donc nécessaire que ceux qui en sont actuellement revêtus usent de tous les moyens dont ils peuvent s’aviser pour maintenir leur autorité, surtout si leur salut est étroitement lié avec cette puissance.

De là naissent quelques conséquences qui me paraissent ne