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LES ÉLEUTHÉROMANES ou ABDICATION D’UN ROI DE LA FÈVE L’AN 1772 DITHYRAMBE[1]

Seu super audaces nova dithyrambos Verba devolvit, numerisque fertur Lège solutis. HORAT.

ARGUMENT.

Le dithyrambe, genre de poésie le plus fougueux, fut, chez les Anciens, un hymne à Bacchus, le dieu de l’ivresse et de la fureur. C’est la que le poëte se montrait plein d’audace dans le choix de son sujet et la manière de le traiter. Entièrement

  1. Ce dithyrambe a été imprimé, pour la première fois, dans la Décade philosophique du 30 fructidor dernier (an IV), mais d’une manière inexacte. On a déjà relevé dans notre précédent numéro l’infidélité qui, dans la dernière strophe, a fait substituer, au mépris des lois de la versification et de l’amitié, le nom de Grimm à celui de Naigeon. De plus, on a supprimé le titre de cette pièce, qui signifie les Furieux de la liberté, etc. Enfin, on a omis l’Argument que Diderot a placé à la tête de cet ouvrage : morceau précieux par les notions qu’il expose relativement au dithyrambe, et par l’historique de celui qu’on va lire. L’anecdote qui y a donné lieu, l’objet que l’auteur s’est proposé en le composant, le ton de fureur qu’il s’est cru autorisé à. prendre dans ce genre de poésie, expliquent, excusent, justifient ces deux vers, qui ont révolté un grand nombre d’esprits : Et ses mains ourdiraient les entrailles du prêtre, Au défaut d’un cordon pour étrangler les rois. "Rétablir le titre de l’ouvrage et publier l’argument qui le précède, c’est donc lui rendre son véritable caractère ; c’est lui restituer tous ses titres à l’admiration des lecteurs ; enfin, c’est assurer à ceux-ci un plaisir sans mélange." — À cette note, qui est du citoyen Rœderer, je n’ajouterai qu’un mot : c’est qu’il a eu entre les mains les deux manuscrits autographes de ce dithyrambe, et que l’édition qu’il en a donnée dans son excellent Journal d’économie publique, du 20 brumaire an V, a été revue et collationnée avec le plus grand soin sur ces manuscrits, beaucoup plus exacts et plus complets que celui qui a servi de copie aux rédacteurs de la Décade. (N.) — Nous prendrons la parole à notre tour, non pour discuter les deux vers fameux qui rappellent le moyen dont Voltaire voulait qu’on se servît pour terminer la querelle des jansénistes et des jésuites, mais pour faire remarquer que c’est vraisemblablement Naigeon qui a fourni à Rœderer le manuscrit publié par celui-ci. Il n’en résulte pas que celui dont s’était servi la Décade philosophique fût altéré. Il existe d’ailleurs, et appartient actuellement à M. Dubrunfaut. Il est chargé de ratures et de corrections, et il porte ce titre : Dithyrambe, ou Abdication d’un roi de la Fève, l’an 1772. À la fin le vers : Naigeon, sois mon ami, Sedaine, sois mon frère. .. s’y trouve, sous ces deux formes également fautives au point de vue de la versification et de l’orthographe, mais excusables par les circonstances dans lesquelles ces vers ont été faits : Grimm, soyons amis. . . et Grime, sois mon ami… Nous avons rétabli la division en strophe, antistrophe et épode, qui se trouve sur le manuscrit, et signalé les principales variantes. Dans une autre copie, cette division est remplacée par celle-ci : le premier, le second, le troisième. Pour les lecteurs qui croiraient encore à l’influence des deux vers cités plus haut sur les excès de la Révolution, nous leur rappellerons que la pièce n’a été imprimée et connue qu’en 1795.