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SUR LES PROBABILITÉS.

plication a tant d’importance et d’étendue. C’est proprement la science physico-mathématique de la vie. L’autre traite des avantages ou désavantages de l’inoculation.

L’examen de quelques cas particuliers a fait soupçonner à M. d’Alembert un vice caché, dans la règle générale de l’analyse des hasards.

Voici cette règle : Multipliez le gain ou la perte que chaque événement doit produire, par la probabilité qu’il y a que cet événement doit arriver. Ajoutez ensemble tous ces produits, en regardant les pertes comme des gains négatifs ; et vous aurez l’espérance du joueur ; ou, ce qui revient au même, la somme que ce joueur devrait donner avant le jeu, pour commencer à jouer but à but.

Cette règle paraît simple et tout à fait conforme au bon sens. Cependant si l’on suppose que Pierre et Jacques jouent à croix ou pile, à condition que si Pierre amène croix au premier coup Jacques lui donnera un écu ; que si Pierre n’amène croix qu’au second coup, Jacques lui donnera deux écus ; qu’au troisième, quatre écus ; qu’au quatrième, huit écus ; qu’au cinquième, seize écus et ainsi de suite selon la même progression, et qu’on cherche par la règle présente l’espérance de Pierre, ou ce qu’il doit donner à Jacques pour commencer à jouer avec lui but à but, on trouve une somme infinie.

Or, outre qu’une somme infinie est une chimère, qui est-ce qui voudrait donner, dit M. d’Alembert, non cette somme, mais une somme assez modique, pour jouer ce jeu.

On répond à M. d’Alembert, que si l’enjeu de Pierre se trouve infini, c’est qu’on a fait la supposition tacite et fausse que le jeu doit durer toujours et que tous les jets peuvent avoir lieu.

M. d’Alembert réplique que dans le nombre des cas, celui où croix n’arrive jamais et pile arrive toujours se trouve comme un autre et qu’il a sa valeur ;

Que si l’on prétend que croix arrive nécessairement après un nombre fini de coups, au moins ce nombre est indéterminé ;

Que quelque somme qu’on assigne pour l’enjeu de Pierre, elle sera contestable ;

Qu’on ne peut soutenir qu’elle soit indéterminée, car enfin un homme peut proposer ce jeu à un autre, et celui-ci l’accepter ;