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RÉPONSE D’UN AUTRE MÉDECIN. 247

des cordes qui obéissent à la traction des fibres charnues ; leur situation varie seulement quelquefois dans certaines parties. La force avec laquelle nous mouvons nos membres est presque toujours proportionnée à la masse des fibres charnues des muscles et à la densité des fibres tendineuses.

Aussi, quand on voit un homme dont tous les muscles sont bien prononcés et volumineux, ce que les Latins désignaient par leur adjectif torosus, et nous par celui de musculeux, on juge ordinairement qu’il est fort et vigoureux, remarque qui ne trompe guère.

Ainsi, il est essentiel pour un peintre ou pour un sculpteur, qui veut représenter exactement le naturel, non-seulement de bien connaître tous les muscles qui se laissent apercevoir sous la peau, leur situation, leur forme particulière dans l’état de repos, mais encore les formes différentes qu’ils prennent dans leurs actions différentes, ou, ce qui revient au même, dans la différente position qu’on donne aux muscles, position qu’on doit supposer être le résultat de leur action. On peut dire que c’est une des choses dans lesquelles les artistes commettent le plus de fautes. Un seul exemple suffira pour justifier cette observation.

L’os du bras est articulé avec une cavité particulière de l’omoplate. Cette articulation est recouverte, dans la partie supérieure, par une espèce de petit toit osseux triangulaire, formé par l’articulation de la clavicule avec l’apophyse de l’omoplate, nommée acromion ; c’est du bord de cette avance triangulaire que partent les fibres d’un muscle très-fort et très-composé, qui vient s’attacher à la partie supérieure de l’os du bras ; c’est ce muscle qui compose principalement l’extrémité de l’épaule. On lui a donné assez improprement le nom de deltoïde, à raison d’une certaine ressemblance qu’on a prétendu y observer avec la lettre grecque nommée delta, ressemblance qui n’est exacte que lorsqu’on a détaché le muscle de tous les os auxquels il est uni et qu’on l’a étendu sur un plan horizontal. Quoi qu’il en soit, ce muscle, selon que les différentes parties agissent, peut élever le bras, et, lorsqu’il est élevé, le porter en avant et en arrière et le retenir dans chacune de ces positions.

Pour l’élever simplement dans une situation horizontale, toutes ses parties agissent simultanément, c’est-à-dire que toutes ses fibres se contractent également et restent contractées tant qu’elles soutiennent le bras dans cette position ; on peut les regarder alors comme autant de cordes convergentes en un point et en équilibre.