savoir tout ce qui s’est passé dans cette chère petite âme-là ; adieu… »
Les autres fois, quand je sortais, elle m’accompagnait jusqu’à sa porte, elle me suivait des yeux tout le long du corridor jusqu’à la mienne ; elle me jetait un baiser avec les mains, et ne rentrait chez elle que quand j’étais rentrée chez moi ; cette fois-ci, à peine se leva-t-elle ; ce fut tout ce qu’elle put faire que de gagner le fauteuil qui était à côté de son lit ; elle s’assit, pencha la tête sur son oreiller, me jeta le baiser avec les mains ; ses yeux se fermèrent, et je m’en allai.
Ma cellule était presque vis-à-vis la cellule de Sainte-Thérèse ; la sienne était ouverte ; elle m’attendait, elle m’arrêta et me dit :
« Ah ! Sainte-Suzanne, vous venez de chez notre mère ?
— Oui, lui dis-je.
— Vous y êtes demeurée longtemps ?
— Autant qu’elle l’a voulu.
— Ce n’est pas là ce que vous m’aviez promis.
— Je ne vous ai rien promis.
— Oseriez-vous me dire ce que vous y avez fait ?… »
Quoique ma conscience ne me reprochât rien, je vous avouerai cependant, monsieur le marquis, que sa question me troubla ; elle s’en aperçut, elle insista, et je lui répondis : « Chère sœur, peut-être ne m’en croiriez-vous pas ; mais vous en croirez peut-être notre chère mère, et je la prierai de vous en instruire.
— Ma chère Sainte-Suzanne, me dit-elle avec vivacité, gardez-vous-en bien ; vous ne voulez pas me rendre malheureuse ; elle ne me le pardonnerait jamais ; vous ne la connaissez pas : elle est capable de passer de la plus grande sensibilité jusqu’à la férocité ; je ne sais pas ce que je deviendrais. Promettez-moi de ne lui rien dire.
— Vous le voulez ?
— Je vous le demande à genoux. Je suis désespérée, je vois bien qu’il faut me résoudre ; je me résoudrai. Promettez-moi de ne lui rien dire… »
Je la relevai, je lui donnai ma parole ; elle y compta, elle eut raison ; et nous nous renfermâmes, elle dans sa cellule, moi dans la mienne.
Rentrée chez moi, je me trouvai rêveuse ; je voulus prier, et