Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, V.djvu/199

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ma fortune ne me permettra pas d’en agir comme je le désirerais ; mais que faire quand on est soumis aux lois de la nécessité ? Je demeure à deux lieues de la ville, dans une campagne assez agréable, où je vis fort retiré avec ma fille et mon fils aîné, qui est un garçon plein de sentiments et de religion, à qui cependant je laisserai ignorer ce qui peut la regarder. Pour les domestiques, ce sont toutes personnes attachées à moi depuis longtemps ; de sorte que tout est dans un état fort tranquille et fort uni. J’ajouterai encore que ce parti que je lui propose ne sera que son pis-aller : si elle trouvait quelque chose de mieux, je n’entends pas la contraindre par un engagement ; mais qu’elle soit certaine qu’elle trouvera toujours en moi une ressource assurée. Ainsi qu’elle rétablisse sa santé sans inquiétude ; je l’attendrai et serai bien aise cependant d’avoir souvent de ses nouvelles.

J’ai l’honneur d’être, madame, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

À Caen, ce 21 février 1760.


LETTRE
de m. le marquis de croismare à sœur suzanne.
sur l’enveloppe était une croix.


Personne n’est, mademoiselle, plus sensible que je le suis à l’état où vous vous trouvez. Je ne puis que m’intéresser de plus en plus à vous procurer quelque consolation dans le sort malheureux qui vous poursuit. Tranquillisez-vous, reprenez vos forces, et comptez toujours avec une entière confiance sur mes sentiments. Rien ne doit plus vous occuper que le rétablissement de votre santé et le soin de demeurer ignorée. S’il m’était possible de vous rendre votre sort plus doux, je le ferais ; mais votre situation me contraint, et je ne pourrai que gémir sur la dure nécessité. La personne à laquelle je vous destine m’est des plus chères, et c’est à moi principalement que vous aurez à répondre. Ainsi, autant qu’il me sera possible, j’aurai soin d’adoucir les petites peines inséparables de l’état que vous prenez. Vous me devrez votre confiance, je me reposerai entièrement sur vos soins : cette assurance doit