Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VI.djvu/157

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— Je ne m’en souviens plus… »

Il est inutile de dire que nos dévotes mirent dans la conversation tout ce qu’elles avaient de grâces, d’esprit, de séduction et de finesse. On toucha en passant le chapitre des passions, et Mlle Duquênoi (c’était son nom de famille) prétendit qu’il n’y en avait qu’une seule de dangereuse. Le marquis fut de son avis. Entre les six et sept heures, les deux femmes se retirèrent, sans qu’il fût possible de les arrêter ; Mme de La Pommeraye prétendant avec Mme Duquênoi qu’il fallait aller de préférence à son devoir, sans quoi il n’y aurait presque point de journée dont la douceur ne fût altérée par le remords. Les voilà parties au grand regret du marquis, et le marquis en tête-à-tête avec Mme de La Pommeraye.

Madame de La Pommeraye.

Eh bien ! marquis, ne faut-il pas que je sois bien bonne ? Trouvez-moi à Paris une autre femme qui en fasse autant.

Le marquis, en se jetant à ses genoux.

J’en conviens ; il n’y en a pas une qui vous ressemble. Votre bonté me confond : vous êtes la seule véritable amie qu’il y ait au monde.

Madame de La Pommeraye.

Êtes-vous bien sûr de sentir toujours également le prix de mon procédé ?

Le marquis.

Je serais un monstre d’ingratitude, si j’en rabattais.

Madame de La Pommeraye.

Changeons de texte. Quel est l’état de votre cœur ?

Le marquis.

Faut-il vous l’avouer franchement ? Il faut que j’aie cette fille-là, ou que j’en périsse.

Madame de La Pommeraye.

Vous l’aurez sans doute, mais il faut savoir comme quoi.

Le marquis.

Nous verrons.

Madame de La Pommeraye.

Marquis, marquis, je vous connais, je les connais : tout est vu.