au plus tôt, pour affaire importante. Le marquis ne se fit pas attendre.
On le reçut avec un visage où l’indignation se peignait dans toute sa force ; le discours qu’on lui tint ne fut pas long ; le voici : « Marquis, lui dit-elle, apprenez à me connaître. Si les autres femmes s’estimaient assez pour éprouver mon ressentiment, vos semblables seraient moins communs. Vous aviez acquis une honnête femme que vous n’avez pas su conserver ; cette femme, c’est moi ; elle s’est vengée en vous en faisant épouser une digne de vous. Sortez de chez moi, et allez-vous en rue Traversière, à l’hôtel de Hambourg, où l’on vous apprendra le sale métier que votre femme et votre belle-mère ont exercé pendant dix ans, sous le nom de d’Aisnon. »
La surprise et la consternation de ce pauvre marquis ne peuvent se rendre. Il ne savait qu’en penser ; mais son incertitude ne dura que le temps d’aller d’un bout de la ville à l’autre. Il ne rentra point chez lui de tout le jour ; il erra dans les rues. Sa belle-mère et sa femme eurent quelque soupçon de ce qui s’était passé. Au premier coup de marteau, la belle-mère se sauva dans son appartement, et s’y enferma à la clef ; sa femme l’attendit seule. À l’approche de son époux, elle lut sur son visage la fureur qui le possédait. Elle se jeta à ses pieds, la face collée contre le parquet, sans mot dire. « Retirez-vous, lui dit-il, infâme ! loin de moi… » Elle voulut se relever ; mais elle retomba sur son visage, les bras étendus à terre entre les pieds du marquis. « Monsieur, lui dit-elle, foulez-moi aux pieds, écrasez-moi, car je l’ai mérité ; faites de moi tout ce qu’il vous plaira ; mais épargnez ma mère…
— Retirez-vous, reprit le marquis ; retirez-vous ! c’est assez de l’infamie dont vous m’avez couvert ; épargnez-moi un crime. »
La pauvre créature resta dans l’attitude où elle était et ne lui répondit rien. Le marquis était assis dans un fauteuil, la tête enveloppée de ses bras, et le corps à demi penché sur les pieds de son lit, hurlant par intervalles, sans la regarder : « Retirez-vous !… » Le silence et l’immobilité de la malheureuse le surprirent ; il lui répéta d’une voix plus forte encore : « Qu’on se retire ; est-ce que vous ne m’entendez pas ?… » Ensuite il se baissa, la repoussa durement, et recon-