Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VI.djvu/197

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— Exécutez ce que je vous prescris, et ce qui me reste à vous prescrire, ou résolvez votre perte et la mienne. Ces deux moines ne manqueront pas de vous plaindre, de vous assurer de leur assistance et de vous demander un second rendez-vous que vous leur accorderez. Ils s’informeront de vous et de vos parents, et comme vous ne leur aurez rien dit qui ne soit vrai, vous ne pouvez leur devenir suspecte. Après cette première et leur seconde entrevue, je vous prescrirai ce que vous aurez à faire à la troisième. Songez seulement à bien jouer votre rôle. »

Tout se passa comme Hudson l’avait imaginé. Il fit un second voyage. Les deux commissaires en instruisirent la jeune fille ; elle revint dans la maison. Ils lui redemandèrent le récit de sa malheureuse histoire. Tandis qu’elle racontait à l’un, l’autre prenait des notes sur ses tablettes. Ils gémirent sur son sort, l’instruisirent de la désolation de ses parents, qui n’était que trop réelle, et lui promirent sûreté pour sa personne et prompte vengeance de son séducteur ; mais à la condition qu’elle signerait sa déclaration. Cette proposition parut d’abord la révolter ; on insista : elle consentit. Il n’était plus question que du jour, de l’heure et de l’endroit où se dresserait cet acte, qui demandait du temps et de la commodité… « Où nous sommes, cela ne se peut ; si le prieur revenait, et qu’il m’aperçût… Chez moi, je n’oserais vous le proposer… » Cette fille et les commissaires se séparèrent, s’accordant réciproquement du temps pour lever ces difficultés.

Dès le jour même, Hudson fut informé de ce qui s’était passé. Le voilà au comble de la joie ; il touche au moment de son triomphe ; bientôt il apprendra à ces blancs-becs-là à quel homme ils ont affaire. « Prenez la plume, dit-il à la jeune fille, et donnez-leur rendez-vous dans l’endroit que je vais vous indiquer. Ce rendez-vous leur conviendra, j’en suis sûr. La maison est honnête, et la femme qui l’occupe jouit, dans son voisinage, et parmi les autres locataires, de la meilleure réputation. »

Cette femme était cependant une de ces intrigantes secrètes qui jouent la dévotion, qui s’insinuent dans les meilleures maisons, qui ont le ton doux, affectueux, patelin, et qui surprennent la confiance des mères et des filles, pour les amener au