Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VI.djvu/200

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— Au petit Châtelet ! En prison !

— J’en suis désolé. »

Ce fut en effet là que Richard et son compagnon furent déposés ; mais le dessein d’Hudson n’était pas de les y laisser. Il était monté en chaise de poste, il était arrivé à Versailles ; il parlait au ministre ; il lui traduisait cette affaire comme il lui convenait. « Voilà, monseigneur, à quoi l’on s’expose lorsqu’on introduit la réforme dans une maison dissolue, et qu’on en chasse les hérétiques. Un moment plus tard, j’étais perdu, j’étais déshonoré. La persécution n’en restera pas là ; toutes les horreurs dont il est possible de noircir un homme de bien vous les entendrez ; mais j’espère, monseigneur, que vous vous rappellerez que notre général…

— Je sais, je sais, et je vous plains. Les services que vous avez rendus à l’Église et à votre ordre ne seront point oubliés. Les élus du Seigneur ont de tous les temps été exposés à des disgrâces : ils ont su les supporter ; il faut savoir imiter leur courage. Comptez sur les bienfaits et la protection du roi. Les moines ! les moines ! je l’ai été, et j’ai connu par expérience ce dont ils sont capables.

— Si le bonheur de l’Église et de l’État voulait que votre Éminence me survécût, je persévérerais sans crainte.

— Je ne tarderai pas à vous tirer de là. Allez.

— Non, monseigneur, non, je ne m’éloignerai pas sans un ordre exprès qui délivre ces deux mauvais religieux…

— Je crois que l’honneur de la religion et de votre habit vous touche au point d’oublier des injures personnelles ; cela est tout à fait chrétien, et j’en suis édifié sans être surpris d’un homme tel que vous. Cette affaire n’aura point d’éclat.

— Ah ! monseigneur, vous comblez mon âme de joie ! Dans ce moment c’est tout ce que je redoutais.

— Je vais travailler à cela. »

Dès le soir même Hudson eut l’ordre d’élargissement, et le lendemain Richard et son compagnon, dès la pointe du jour, étaient à vingt lieues de Paris, sous la conduite d’un exempt qui les remit dans la maison professe. Il était aussi porteur d’une lettre qui enjoignait au général de cesser de pareilles menées, et d’imposer la peine claustrale à nos deux religieux.

Cette aventure jeta la consternation parmi les ennemis