Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VI.djvu/222

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droit était en pente. Suzanne se couche à terre tout de son long à la place la plus élevée, les pieds éloignés l’un de l’autre et les bras passés par-dessus la tête. J’étais au-dessous d’elle, jouant de la serpe sur le taillis, et Suzanne repliait ses jambes, approchant ses talons de ses fesses ; ses genoux élevés rendaient ses jupons fort courts, et je jouais toujours de la serpe sur le taillis, ne regardant guère où je frappais et frappant souvent à côté. Enfin, Suzanne me dit : « Jacques, est-ce que tu ne finiras pas bientôt ?

— Quand vous voudrez, madame Suzanne.

— Est ce que tu ne vois pas, dit-elle à demi-voix, que je veux que tu finisses ?… » Je finis donc, je repris haleine, et je finis encore ; et Suzanne…

Le maître.

T’ôtait ton pucelage que tu n’avais pas ?

Jacques.

Il est vrai ; mais Suzanne ne s’y méprit pas, et de sourire et de me dire : « Tu en as donné d’une bonne à garder à notre homme ; et tu es un fripon.

— Que voulez-vous dire, madame Suzanne ?

— Rien, rien ; tu m’entends de reste. Trompe-moi encore quelquefois de même, et je te le pardonne… » Je reliai ses bourrées, je les pris sur mon dos ; et nous revînmes, elle à sa maison, moi à la nôtre.

Le maître.

Sans faire une pause en chemin ?

Jacques.

Non.

Le maître.

Il n’y avait donc pas loin de la commune au village ?

Jacques.

Pas plus loin que du village à la commune.

Le maître.

Elle ne valait que cela ?

Jacques.

Elle valait peut-être davantage pour un autre, pour un autre jour : chaque moment a son prix.