Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VI.djvu/256

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reparut chez moi ; il avait l’air triomphant. « Eh bien ! l’ami, me dit-il, une autre fois croirez-vous à mes almanachs ? Je vous l’avais bien dit, nous sommes les plus forts, et voici une lettre de la petite ; oui, une lettre, une lettre d’elle… »

Cette lettre était fort douce ; des reproches, des plaintes et cætera ; et me voilà réinstallé dans la maison.


Lecteur, vous suspendez ici votre lecture ; qu’est-ce qu’il y a ? Ah ! je crois vous comprendre, vous voudriez voir cette lettre. Mme Riccoboni n’aurait pas manqué de vous la montrer. Et celle que Mme de La Pommeraye dicta aux deux dévotes, je suis sûr que vous l’avez regrettée. Quoiqu’elle fût autrement difficile à faire que celle d’Agathe, et que je ne présume pas infiniment de mon talent, je crois que je m’en serais tiré, mais elle n’aurait pas été originale ; ç’aurait été comme ces sublimes harangues de Tite-Live dans son Histoire de Rome, ou du cardinal Bentivoglio dans ses Guerres de Flandre. On les lit avec plaisir, mais elles détruisent l’illusion. Un historien, qui suppose à ses personnages des discours qu’ils n’ont pas tenus, peut aussi leur supposer des actions qu’ils n’ont pas faites. Je vous supplie donc de vouloir bien vous passer de ces deux lettres, et de continuer votre lecture.

Le maître.

On me demanda raison de mon éclipse, je dis ce que je voulus ; on se contenta de ce que je dis, et tout reprit son train accoutumé.

Jacques.

C’est-à-dire que vous continuâtes vos dépenses, et que vos affaires amoureuses n’en avançaient pas davantage.

Le maître.

Le chevalier m’en demandait des nouvelles, et avait l’air de s’en impatienter.

Jacques.

Et il s’en impatientait peut-être réellement.

Le maître.

Et pourquoi cela ?

Jacques.

Pourquoi ? Parce qu’il…