Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VI.djvu/291

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sinon que tu es le plus méchant de tous les valets, et que je suis le plus malheureux de tous les maîtres ?

Jacques.

N’est-il pas évidemment démontré que nous agissons la plupart du temps sans vouloir ? Là, mettez la main sur la conscience : de tout ce que vous avez dit ou fait depuis une demi-heure, en avez-vous rien voulu ? N’avez-vous pas été ma marionnette, et n’auriez-vous pas continué d’être mon polichinelle pendant un mois, si je me l’étais proposé ?

Le maître.

Quoi ! c’était un jeu ?

Jacques.

Un jeu.

Le maître.

Et tu t’attendais à la rupture des courroies ?

Jacques.

Je l’avais préparée.

Le maître.

Et ta réponse impertinente était préméditée ?

Jacques.

Préméditée.

Le maître.

Et c’était le fil d’archal que tu attachais au-dessus de ma tête pour me démener à ta fantaisie ?

Jacques.

À merveille !

Le maître.

Tu es un dangereux vaurien.

Jacques.

Dites, grâce à mon capitaine qui se fit un jour un pareil passe-temps à mes dépens, que je suis un subtil raisonneur.

Le maître.

Si pourtant je m’étais blessé ?

Jacques.

Il était écrit là-haut et dans ma prévoyance que cela n’arriverait pas.

Le maître.

Allons, asseyons-nous ; nous avons besoin de repos.

Ils s’asseyent, Jacques disant : Peste soit du sot !