C’est de toi que tu parles apparemment.
Oui, de moi, qui n’ai pas réservé un coup de plus dans la gourde.
Ne regrette rien, je l’aurais bu, car je meurs de soif.
Peste soit encore du sot de n’en avoir pas réservé deux !
Le maître le suppliant, pour tromper leur lassitude et leur soif, de continuer son récit, Jacques s’y refusant, son maître boudant, Jacques se laissant bouder ; enfin Jacques, après avoir protesté contre les malheurs qu’il en arriverait, reprenant l’histoire de ses amours, dit :
« Un jour de fête que le seigneur du château était à la chasse… » Après ces mots il s’arrêta tout court, et dit : « Je ne saurais ; il m’est impossible d’avancer ; il me semble que j’aie derechef la main du destin à la gorge, et que je me la sente serrer ; pour Dieu, monsieur, permettez que je me taise.
— Eh bien ! tais-toi, et va demander à la première chaumière que voilà, la demeure du nourricier… »
C’était à la porte plus bas ; ils y vont, chacun d’eux tenant son cheval par la bride. À l’instant la porte du nourricier s’ouvre, un homme se montre ; le maître de Jacques pousse un cri et porte la main à son épée, l’homme en question en fait autant. Les deux chevaux s’effraient du cliquetis des armes, celui de Jacques casse sa bride et s’échappe, et dans le même instant le cavalier contre lequel son maître se bat est étendu mort sur la place. Les paysans du village accourent. Le maître de Jacques se remet prestement en selle et s’éloigne à toutes jambes. On s’empare de Jacques, on lui lie les mains sur le dos, et on le conduit devant le juge du lieu, qui l’envoie en prison. L’homme tué était le chevalier de Saint-Ouin, que le hasard avait conduit précisément ce jour-là avec Agathe chez la nourrice de leur enfant. Agathe s’arrache les cheveux sur le cadavre de son amant. Le maître de Jacques est déjà si loin qu’on l’a perdu de vue. Jacques, en allant de la maison du juge à la prison, disait : « Il fallait que cela fût, cela était écrit là-haut… »