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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VI.djvu/56

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Jacques, après avoir recommandé à son maître de ne pas s’endormir, va à la rencontre du voyageur, lui propose l’achat de son cheval, le paie et l’emmène. Eh bien ! Jacques, lui dit son maître, si vous avez vos pressentiments, vous voyez que j’ai aussi les miens. Ce cheval est beau ; le marchand t’aura juré qu’il était sans défaut ; mais en fait de chevaux tous les hommes sont maquignons.

Jacques.

Et en quoi ne le sont-ils pas ?

Le maître.

Tu le monteras et tu me céderas le tien.

Jacques.

D’accord.


Les voilà tous les deux à cheval, et Jacques ajoutant :

Lorsque je quittai la maison, mon père, ma mère, mon parrain, m’avaient tous donné quelque chose, chacun selon leurs petits moyens ; et j’avais en réserve cinq louis, dont Jean, mon aîné, m’avait fait présent lorsqu’il partit pour son malheureux voyage de Lisbonne… (Ici Jacques se mit à pleurer, et son maître à lui représenter que cela était écrit là-haut.) Il est vrai, monsieur, je me le suis dit cent fois ; et avec tout cela je ne saurais m’empêcher de pleurer…

Puis voilà Jacques qui sanglote et qui pleure de plus belle ; et son maître qui prend sa prise de tabac, et qui regarde à sa montre l’heure qu’il est. Après avoir mis la bride de son cheval entre ses dents et essuyé ses yeux avec ses deux mains, Jacques continua :

Des cinq louis de Jean, de mon engagement, et des présents de mes parents et amis, j’avais fait une bourse dont je n’avais pas encore soustrait une obole. Je retrouvai ce magot bien à point ; qu’en dites-vous, mon maître ?

Le maître.

Il était impossible que tu restasses plus longtemps dans la chaumière.

Jacques.

Même en payant.

Le maître.

Mais qu’est-ce que ton frère Jean était allé chercher à Lisbonne ?