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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VI.djvu/69

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rempli cette bière de marchandises prohibées, et qu’ils auront été vendus à la Ferme par les coquins mêmes de qui ils les avaient achetées.

Jacques.

Mais pourquoi ce carrosse aux armes de mon capitaine ?

Le maître.

Ou c’est un enlèvement. On aura caché dans ce cercueil, que sait-on, une femme, une fille, une religieuse ; ce n’est pas le linceul qui fait le mort.

Jacques.

Mais pourquoi ce carrosse aux armes de mon capitaine ?

Le maître.

Ce sera tout ce qu’il te plaira ; mais achève-moi l’histoire de ton capitaine.

Jacques.

Vous tenez encore à cette histoire ? Mais peut-être que mon capitaine est encore vivant.

Le maître.

Qu’est-ce que cela fait à la chose ?

Jacques.

Je n’aime pas à parler des vivants, parce qu’on est de temps en temps exposé à rougir du bien et du mal qu’on en a dit ; du bien qu’ils gâtent, du mal qu’ils réparent.

Le maître.

Ne sois ni fade panégyriste, ni censeur amer ; dis la chose comme elle est.

Jacques.

Cela n’est pas aisé. N’a-t-on pas son caractère, son intérêt, son goût, ses passions, d’après quoi l’on exagère ou l’on atténue ? Dis la chose comme elle est !… Cela n’arrive peut-être pas deux fois en un jour dans toute une grande ville. Et celui qui vous écoute est-il mieux disposé que celui qui parle ? Non. D’où il doit arriver que deux fois à peine en un jour, dans toute une grande ville, on soit entendu comme on dit.

Le maître.

Que diable, Jacques, voilà des maximes à proscrire l’usage de la langue et des oreilles, à ne rien dire, à ne rien écouter