Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VII.djvu/222

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Le Père de famille.

Cécile, vous baissez les yeux ; vous tremblez ; vous craignez de parler… Mon enfant, laisse-moi lire dans ton âme. Tu ne peux avoir de secret pour ton père ; et si j’avais perdu ta confiance, c’est en moi que j’en chercherais la raison… Tu pleures…

Cécile.

Votre bonté m’afflige. Si vous pouviez me traiter plus sévèrement.

Le Père de famille.

L’auriez-vous mérité ? Votre cœur vous ferait-il un reproche ?

Cécile.

Non, mon père.

Le Père de famille.

Qu’avez-vous donc ?

Cécile.

Rien.

Le Père de famille.

Vous me trompez, ma fille.

Cécile.

Je suis accablée de votre tendresse… je voudrais y répondre.

Le Père de famille.

Cécile, auriez-vous distingué quelqu’un ? Aimeriez-vous ?

Cécile.

Que je serais à plaindre !

Le Père de famille.

Dites. Dis, mon enfant. Si tu ne me supposes pas une sévérité que je ne connus jamais, tu n’auras pas une réserve déplacée. Vous n’êtes plus un enfant. Comment blâmerais-je en vous un sentiment que je fis naître dans le cœur de votre mère ? vous qui tenez sa place dans ma maison, et qui me la représentez, imitez-la dans la franchise qu’elle eut avec celui qui lui avait donné la vie, et qui voulut son bonheur et le mien… Cécile, vous ne répondez rien ?

Cécile.

Le sort de mon frère me fait trembler.

Le Père de famille.

Votre frère est un fou.