Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VII.djvu/37

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Dorval : Elle m'ennuie ! Non, Madame , ce n'est pas cela.

Constance : Qu'avez-vous donc ? Un air sombre que je vous trouve

Dorval : Les malheurs laissent des impressions. Vous savez. Madame. Je vous jure que depuis longtemps je ne connaissais de douceurs que celles que je goûtais ici.

Constance : Si cela est, vous revenez, sans doute.

Dorval : Je ne fais. Ai-je jamais su ce, que je deviendrais ?

Constance : après s'être promenée un instant

Ce moment est donc le seul qui me reste. Il faut parler.

Une pause

Dorval, écoutez-moi. Vous m'avez trouvé ici , il y a six mois tranquille et heureuse. J'avais éprouvé tous les malheurs des nœuds mal assortis. Libre de ces nœuds, je m'étais promis une indépendance éternelle, et j'avais fondé mon bonheur sur l'aversion de tout lien, et dans la sécurité d'une vie retirée. Après les longs chagrins, la solitude a tant de charmes ! On y respire en liberté. J'y jouissais de moi ; j'y jouissais de mes peines passées. Il me semblait qu'elles avaient épuré ma raison. Mes journées, toujours innocentes, quelquefois délicieuses, se partageaient entre la lecture, la promenade, et la conversation de mon frère. Clairville me parlait sans cesse de son austère et sublime ami. Que j'avais du plaisir à l'entendre ! Combien je désirai de connaître un homme que mon frère aimait, respectait à tant de titres, et qui avait développé dans son cœur les premiers germes de la sagesse ! Je vous dirai plus. Loin de vous, je marchais déjà sur vos traces ; et cette jeune Rosalie, que vous voyez ici , était l'objet de tous mes soins, comme Clairville avait été l'objet des vôtres.

Dorval : ému et attendri

Rosalie !