Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VII.djvu/430

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

drai. Ils fourniront quelque temps à nos besoins ; et cette ressource épuisée, il nous restera des mains pour travailler. L’industrie et le travail sont les deux ressources de l’indigent… Charlotte, vous pleurez… Et pourquoi pleurez-vous ?

CHARLOTTE.

De pitié.

MADAME BEVERLEY.

Encore une fois, tout n’est pas désespéré. Quand il n’aura plus rien à perdre, il reviendra. Je le recouvrerai ; et si jamais il se retrouve dans ces bras, Charlotte, mon amie, dites, où sera l’indigence ?

CHARLOTTE.

S’il était possible de le guérir de sa funeste passion, la succession de mon oncle suffirait pour rétablir ses affaires.

MADAME BEVERLEY.

S’il était possible, c’est bien dit. Mais il n’y a que la pauvreté qui guérisse de la fureur du jeu. Qu’on lui rende sa fortune, il la jouera, la reperdra, et l’on n’aura réussi qu’à doubler sa peine et sa honte. M. Leuson viendra-t-il ce matin ?

CHARLOTTE.

Il me le promit hier soir. À propos, il me paraît suspecter violemment l’ami Stukely.

MADAME BEVERLEY.

Stukely aurait-il trahi mon mari ? Serait-il de moitié ?… Je n’ose le penser. C’est un joueur ; mais c’est un homme d’honneur.

CHARLOTTE.

Il s’occupe sans cesse à le persuader, et c’est une grande raison pour moi d’en douter. Le caractère honnête se montre et s’établit sans tant d’apprêt.

MADAME BEVERLEY, à Lucy, sa femme de chambre, qui entre.

Lucy, qu’est-ce qu’il y a ?

LUCY.

C’est votre vieil intendant qui demandait à entrer, et que je n’ai pu refuser, il m’en a tant priée.