Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VII.djvu/431

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Scène II.

MADAME BEVERLEY, CHARLOTTE, JARVIS.
MADAME BEVERLEY.

Jarvis, cela n’est pas bien. Vous voilà, et je vous avais prié de ne pas venir.

JARVIS.

Cela se peut, madame ; mais je suis vieux, et les vieillards sont oublieux. Peut-être, madame, m’avez-vous aussi défendu de m’affliger et de pleurer ; mais, je vous le répéterai, je suis vieux, et j’avais peut-être encore oublié cela.

MADAME BEVERLEY.

C’est une honnête créature, il me touche.

CHARLOTTE.

Il eût été bien dur de le renvoyer !

JARVIS.

J’ai beau regarder, je ne reconnais plus ces lieux. Il n’y avait point d’appartements comme cela dans la maison de mon jeune maître ; du moins je ne me les rappelle pas. Cependant j’ai vécu ici vingt-cinq ans. Jamais mon vieux maître, son bon et honnête père, ne m’eût renvoyé !

MADAME BEVERLEY.

Et pourquoi vous aurait-il renvoyé ? il n’en avait aucun sujet.

JARVIS.

Je l’ai servi en tout honneur tant qu’il a vécu. Quand il mourut, il me recommanda à son fils, que j’ai aussi servi en tout honneur.

MADAME BEVERLEY.

Je le sais, Jarvis, je le sais.

CHARLOTTE.

Nous le savons toutes deux.

JARVIS.

Je suis vieux et j’ai le pied sur le bord de la fosse. Je ne demandais qu’à mourir ici. Mais mon maître m’a renvoyé.