Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VII.djvu/445

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

BATES.

Il s’agit bien de la figure, du maintien et du propos, au jeu. De l’argent, de l’argent. Pourvu qu’on ait de l’argent, tout est bien. Prenez un malotru, placez-le à une table de jeu, donnez-lui de l’argent, et appelez-le lord, comte, duc, baron, tout ce qu’il vous plaira, et il le sera sur-le-champ. C’est une chose admirable que le jeu ; rien ne rétablit aussi parfaitement l’égalité première entre les hommes. À peine un homme est-il assis autour d’un tapis vert, qu’une vapeur mystérieuse lui cache tous les objets et ne lui laisse apercevoir que l’argent. De l’argent, vous dis-je ; étalez de l’argent, et le premier lord du royaume, au milieu d’une troupe de bas coquins et de filous, se croira parmi ses semblables.

STUKELY.

William en sera-t-il ? C’est lui qui s’est présenté ce matin chez Beverley, avec un billet à ordre. Que lui aviez-vous ordonné ?

BATES.

De frapper fort et de faire grand bruit. Ne l’avez-vous pas vu ?

STUKELY.

Non, le faquin s’est esquivé avec Jarvis. S’il eût fait un pas dans la maison, le billet eût été payé. J’y étais, et je n’y étais allé que pour cela. Plus Leuson me suspecte (et il ne m’a pas laissé ignorer qu’il me suspectait violemment), plus il importe de me soutenir dans la bonne opinion des femmes.

BATES.

Quoi ! Leuson vous a dit à vous-même ?…

STUKELY.

Oui.

BATES.

Et qu’avez-vous répondu à cela ?

STUKELY.

Peu de chose : que nous nous reverrions en temps et lieu plus commodes pour s’expliquer.

BATES.

Prenez garde ; il ne faut pas s’endormir sur cet homme-la. Mais pourrai-je vous demander ce qu’il vous reste à démêler avec Beverley ? Vous êtes incompréhensible pour Dauson même et pour les autres.