Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VII.djvu/446

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STUKELY.

Incompréhensible, je le crois et le prétends. Leur petite intelligence n’est pas faite pour atteindre à la hauteur de nos desseins. Ils me voient prêter de l’argent à Beverley, et ils ouvrent de grands yeux bêtes. Tous ces gens-là sont de petits fripons subalternes, te dis-je.

BATES.

D’accord ; mais quel est donc votre sublime dessein ?

STUKELY.

De le réduire à l’aumône et de lui persuader qu’il m’a ruiné.

BATES.

Mais à quoi bon ?

STUKELY.

Voilà le point. Mais qu’il te suffise pour le moment de savoir ce que tu sais ; ce soir, tu pourras en apprendre davantage. Il m’attend chez Wilson, et j’ai dit aux femmes qu’on l’y trouverait.

BATES.

Et pourquoi ?

STUKELY.

Pour écarter de moi tout soupçon. Cette conduite a l’air de la franchise et de l’honnêteté ; elles m’en ont remercié et elles ont dépêché le vieux Jarvis.

BATES.

Et Jarvis le verra.

STUKELY.

Quoi qu’il en soit, la dupe attend encore de l’argent de moi. Je n’en aurai plus à lui prêter. On aura recours aux bijoux de la femme. Les bijoux viendront ; car les femmes sont des créatures impayables ; rien ne leur tient aux mains quand elles aiment ; on leur tirerait le sang des veines. Mais va chez Wilson, et surtout que je ne t’aie pas aperçu. Songe à ton rôle. Tu es un homme de poids, un homme prudent et discret… Mais passe dans la chambre voisine un moment ; je t’y suis. Je ne tarderai pas à t’employer. Marche : la fortune est le but commun des fripons et des honnêtes gens. Mais les fripons y vont par le plus court chemin. (Ils sortent.)