Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VII.djvu/462

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venir du passé… Il deviendra fâcheux… Je le sentirai sans cesse s’appesantir sur moi… Il empoisonnera la douceur du présent ; et puis j’ai là un autre poids qui m’oppresse sans relâche… Je souffre…

MADAME BEVERLEY.

Qu’est-ce que ce poids ? Parlez ! que je l’écarte vite, si je puis.

BEVERLEY.

Cet ami… cet homme généreux… que j’ai entendu déchirer sans ménagement… il m’a prêté tant qu’il a eu… je l’ai ruiné… il est sur le point de tomber dans le fond d’une prison. Voilà le sort que je lui ai préparé et qui le menace.

MADAME BEVERLEY.

Non, mon ami, cela ne sera pas, je l’espère.

BEVERLEY.

Il ne s’agit pas d’espérer tranquillement, il faut agir. Le souhait ne donne pas du pain et ne nourrit pas celui qui a faim. Il faut trouver un expédient.

MADAME BEVERLEY.

Quel ?

BEVERLEY.

Dans l’amertume de son cœur, il m’a reproché, et quand reproché ? tout à l’heure, que je l’avais perdu. Puis-je avoir entendu ce reproche et songer au bonheur ? Non. Je l’aurai abandonné quand il aura été réduit à la dernière extrémité, et réduit par moi !…

MADAME BEVERLEY.

Les temps peuvent changer, et nous mettre dans le cas d’être reconnaissants. Il y a dans cette espérance, même éloignée, une consolation à laquelle il ne faut pas se refuser.

BEVERLEY.

Oui, c’est comme le malade à qui l’on promet la santé. Il meurt, tandis qu’on prépare le remède… Qu’est-ce qu’il y a ?

LUCY, entre.

Monsieur, C’est Une lettre. (Lucy donne la lettre et sort.)

BEVERLEY.

C’est de Stukely. (Il ouvre la lettre et la lit.)