Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VII.djvu/49

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Elle a changé! Que me reproche t-elle ?

Dorval : Elle n'a pas changé ? si vous voulez.. Elle ne vous reproche rien. mais son père

Clairville : Son père a-t-il repris son consentement ?

Dorval : Non. Mais elle attend son retour. Elle craint. Vous savez mieux que moi qu'une fille bien née craint toujours.

Clairville : Il n'y a plus de craintes à avoir : tous les obstacles sont levés. C'était sa mère qui s'opposait à nos vœux ; elle n'est plus, et son père n'arrive que pour m'unir à sa fille, se fixer parmi nous, et finir ses jours tranquillement, dans sa patrie, au sein de sa famille , au milieu de ses amis. Si j'en juge par ses lettres, ce respectable vieillard ne sera guère moins affligé que moi. Songez Dorval , que rien n'a pu l'arrêter ; qu'il a vendu ses habitations ; qu'il s'est embarqué avec toute sa fortune , à l'âge. de quatre-vingts ans , je crois, sur des mers couvertes de vaisseaux ennemis.

Dorval : Clairville , il faut l'attendre. Il faut tout espérer des bontés du père, de l'honnêteté de la fille , de votre amour , et de mon amitié. Le Ciel ne permettra pas que des êtres qu'il semble avoir formés pour servir de consolation et d'encouragement à la vertu soient tous malheureux sans l'avoir mérité.

Clairville : Vous voulez donc que je vive?

Dorval : Si je le veux ! Si Clairville pouvait lire au fond de mon âme ! Mais j'ai satisfait à ce que vous exigiez.

Clairville : C'est à regret que je vous entends. Allez mon ami. Puisque vous m'abandonnez dans la triste situation où je fuis je peux tout croire des motifs qui vous rappellent. Il ne me reste plus