Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VII.djvu/498

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excuser des mœurs aussi détestables ; rien ne peut faire de la profession de joueur un état honorable. Elle resterait au-dessous des fonctions les plus méprisables de la société, quand il plairait à la bizarrerie d’un monarque d’y attacher un titre, un cordon, des croix, une pension.

STUKELY.

Fort bien, monsieur Leuson ; vous êtes en trop beau chemin pour enrayer sitôt. Voyez ce que c’est que la commisération pour un ami réduit à l’aumône. C’est pourtant par un beau zèle pour le pauvre Beverley qu’on me traite ainsi ; du moins monsieur Leuson ne serait pas fâché qu’on le crût. Cependant il y a quelque apparence que le mari et la femme n’en auraient pas moins gémi dans le fond d’une prison, quand la fortune de la sœur eût échappé du naufrage, et récompensé l’amour désintéressé de l’honnête et généreux monsieur Leuson.

LEUSON.

Voilà des pensées dignes de toi. Il n’en vient que de pareilles à ceux qui ont perdu comme ce bas coquin tout sentiment d’honneur et de bonté. Écoute, et si tu peux être encore tourmenté par le récit d’une action vertueuse, sache qu’en ruinant de fond en comble Beverley, tu m’as rendu le service le plus important que je pusse attendre d’un ami.

STUKELY.

Ce n’était pas tout à fait mon dessein. Vous êtes dispensé de la reconnaissance.

LEUSON.

Grâce à toi, ma Charlotte m’a connu ; j’ai à ses yeux un mérite qui me manquait : elle sait à présent si c’était sa fortune ou sa personne que j’ambitionnais.

STUKELY.

Ayez-la et me soyez obligé, si vous le voulez.

LEUSON.

Quant au malheureux Beverley son frère, je suis venu pour t’ avertir que je poursuivrai les brigands qui l’ont dépouillé, jusqu’à ce qu’ils aient restitué leur proie, et obtenu le salaire qu’ils ont mérité.

STUKELY.

Beverley ! sache qu’il est en ma puissance, et connais ton