Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VII.djvu/499

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imprudence. Si l’on s’acharne à me déchirer et à travestir indignement mon amitié pour lui, je retire ma main ; je l’abandonne à son sort. Qu’il tombe, qu’il soit brisé, et que ceux qui auront occasionné ce dernier mal heur par leur indiscrétion, s’en félicitent.

LEUSON.

Comment ! je crois qu’il ressent ! qu’il ose ! qu’il veut avoir un caractère, être un infâme distingué ! Je te suivrai, te dis-je. Sauve-toi où tu voudras, je t’atteindrai. J’arracherai Beverley d’entre tes mains impures ; et l’honneur de sa femme ne sera point sa rançon. (Il sort.)

STUKELY.

Ô lâche en effet que je suis ! je voudrais être un scélérat décidé, et je ne saurais ; l’idée du péril me fait frémir. Je crains, je vois la perte s’approcher, m’entourer, me presser, et je reste comme un stupide. Mais si le courage nous manque, ayons au moins de la prudence, et que cette vertu nous défende. Voyons ; quel moyen d’ensevelir mes forfaits dans le silence des ténèbres ? Un seul, c’est d’en oser un plus grand… Officieux Leuson, prends garde… ce projet n’est pas sans danger… mais n’importe… Ah ! Hâtes ! c’est toi ?


Scène V.

STUKELY, BATES.
BATES.

Qu’est-ce qu’il y a ? C’est avec Leuson et non avec Beverley que je vous ai laissé. Il a fait du bruit, ce me semble, et je vous trouve l’air effrayé.

STUKELY.

Un peu, et avec quelque raison. Nous sommes découverts.

BATES.

J’en avais le pressentiment. Je vous en ai prévenu ; mais vous ne doutez de rien.

STUKELY.

Tiens, Bates, tu as précisément toute l’allure des sots. Ils