Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VII.djvu/515

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Scène II.

La scène change, et le théâtre représente l’appartement de Beverley.
MADAME BEVERLEY, CHARLOTTE.
MADAME BEVERLEY.

Point de nouvelles de Leuson.

CHARLOTTE.

Aucune. Hier nous nous séparâmes d’assez bonne heure : depuis, je ne sais ce qu’il est devenu.

MADAME BEVERLEY.

Voilà huit heures qui sonnent… je n’y tiens plus.

CHARLOTTE.

Demeurez du moins jusqu’à ce que Jarvis revienne. Il a envoyé deux fois nous dire d’attendre son retour.

MADAME BEVERLEY.

Loin de lui, je ne saurais plus vivre… Quelle nuit ! La mort me serait moins affreuse qu’une seconde ! Mon pauvre Beverley… combien il aura souffert !… Qu’est-il devenu ? que fait-il à présent ? Cette idée m’ôte le jugement… On vient à minuit ; on me l’arrache ; on le conduit dans une prison ; c’est là qu’il est, sur la terre humide ; de la paille est son lit, une pierre est son chevet : sa femme loin de lui, sa sœur ; personne qui le calme, qui le console, qui l’assoupisse : aucune pensée qui ne le tourmente, qui ne le déchire… Quel sort est le sien !… Ah ! je ne l’aimai point assez. Non, je ne l’aimai point assez. Si je l’avais aimé comme j’ai dû, me l’aurait-on arraché ? nous aurait-on séparés ?… J’en serais morte plutôt… Mais comment cela s’est-il fait ?… comment l’ai-je souffert ?…

CHARLOTTE.

Pourquoi vous accuser ? pourquoi m’accuser ? Tout ce que nous pouvions nous l’avons fait. Jarvis a été plus heureux que nous, il a pu le suivre ; il l’aura consolé. Mais il tarde longtemps.