Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VII.djvu/534

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exaucé… C’est plus que je n’aurais attendu d’une vie innocente. Adieu ; je vous laisse.

MADAME BEVERLEY.

Pas encore, pas encore. Arrête un moment, et je te suis.

BEVERLEY.

Vivez, je vous le recommande ; je vous laisse un enfant. Faut-il qu’il soit aussi oublié de sa mère ?… Je le recommande à l’amitié de Leuson… Est-ce vous, Charlotte ? Nous nous sommes toujours aimés… Je vous ai fait un grand préjudice ; mais vous n’y pensez plus ; n’est-ce pas, chère sœur ?

CHARLOTTE.

Non, cher frère.

BEVERLEY.

Donnez-moi vos mains… Je les tiens… Qu’on me lève… Non, je ne saurais… Adieu, que je vous plains !… Suspendu par un fil au-dessus d’un abîme de misères éternelles, prêt à y tomber, je m’oublie ; je vous sens proche de mon cœur ; je souffre pour vous ; je prie pour vous. Dieu, secourez ces femmes !… Je m’en vais… Adieu !… Miséricorde ! miséricorde !

LEUSON.

C’est fait. Allons, madame ; allons, mon amie.


Scène XII.

Les mêmes personnages, JARVIS.
JARVIS.

Hélas ! je le vois bien, il n’est plus temps ; il n’est plus.

CHARLOTTE.

Mon cœur est serré ! je ne saurais pleurer. Larmes cruelles ! pourquoi ne coulez-vous pas ?… Sœur malheureuse !… Leuson, parlez-lui… Qui est-ce qui concevra toute sa peine ?…

LEUSON.

Entraînons-la hors d’ici. Venez, Jarvis, approchez, prenez-la… soutenez-la. Son mal n’est pas de ceux qu’on apaise par la raison : c’est un remède aux moindres douleurs… Anges du