Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VII.djvu/63

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ndait un prompt retour. Tantôt me regardant avec des yeux remplis d'espérance : il me disait : «  Andréa encore quinze jours, et je verrai mes enfants, et je les embrasserai , et je serai heureux une fois du moins avant que de mourir ».

Clairville touché à Dorval :

Vous entendez. Il m'appelait déjà du doux nom de fils. Eh bien, André ?

André : Monsieur , que vous dirai-je ? Nous avions eu la navigation la plus heureuse. Nous touchions aux côtes de la France. Échappés aux dangers de la mer, nous avons salué la terre par mille cris de joie; et nous nous embrassions tous les uns les autres , Commandants , Officiers, Passagers , Matelots , lorsque nous sommes approchés par des vaisseaux qui nous crient, la paix, la paix; abordés à la faveur de ces cris perfides et faits prisonniers.

Dorval et Clairville En marquant leur surprise et leur douleur chacun par l'avis qui convient à son caractère :

Prisonniers !

André : Que devint alors mon maître ? Des larmes coulaient de ses yeux. Il poussait de profonds soupirs. Il tournait ses regards, il étendait ses bras, son âme semblait s'élancer vers le rivage d'où nous nous éloignions. Mais à peine les eûmes-nous perdus de vue , que ses yeux se sécheront; son cœur se ferra ; sa vue s'attacha sur les eaux , il tomba dans une douleur sombre et morne, qui me fit trembler pour sa vie. Je lui présentai plusieurs fois du pain et de l'eau, qu'il repoussa. ( André s'arrête ici un moment pour pleurer.) Cependant nous arrivons dans le port ennemi Dispensez - moi de vous dire le reste. Non, je ne pourrai jamais.

Clairville : André, continuez.

André : On me dépouille. On charge mon maître de liens. Ce fut alors que je ne pus retenir mes cris. Je l’appelai plusieurs fois : « Mon maître , mon cher maître !» Il m'entendit, me regarda et laissa tomber ses bras tristement, se retourna ,