Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VII.djvu/73

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rée comme autrefois; peut-être encore, n'est ce qu'une idée vaine qui nous aurait trompées toutes deux. Notre amie devient malheureuse. On craint de se manquer à soi, même. Un premier mouvement de générosité nous emporte. Mais le temps! le temps! Madame les malheureux sont si importuns, ombrageux. On s'accoutume peu-à-peu au spectacle de leur douleur, bientôt on s'en lasse. Épargnons nous des torts réciproques. J'ai tout perdu, sauvons du moins notre amitié du naufrage. Il me semble que je dois déjà quelque chose, à l'infortune Toujours soutenue de vos conseils, Rosalie n'a rien fait encore dont elle puisse s'honorer à ses propres yeux. Il est temps qu'elle apprenne ce dont elle sera capable, instruite par Constance et par les malheurs. Lui envieriez-vous le seul bien qui lui reste, celui de se connaître elle-même?

Constance : Rosalie, vous êtes dans l'enthousiasme méfiez-vous de cet état. Le premier effet du malheur est de raidir une âme, le dernier est de la briser. Vous qui craignez tout du temps pour vous et pour moi n'en craignez-vous rien pour vous seule? Songez, Rosalie que 1'infortune vous rend sacrée. S'il m'arrivait jamais de manquer de respect au malheur; rappelez-moi, dites-moi,, faites- moi rougir pour la première fois. Mon enfant, j'ai vécu. J'ai souffert, je crois avoir acquis le droit de présumer quelque chose de moi, cependant je ne vous demande que de compter autant sur mon amitié, que sur votre courage. Si vous vous promettez tout de vous-même , et que vous n'attendiez rien de Constance, ne ferez-vous pas injuste? Mais les idées de bienfait et de reconnaissance vous effraieraient-elles ? Rendez votre tendresse à mon frère, c'est moi qui vous devrai tout.

Rosalie : Madame, voilà Dorval. Permettez que je m'éloigne J'ajouterais si peu de chose à son triomphe !


Dorval entre


Constance : Rosalie, Dorval retenez cet enfant. Mais elle nous échappe.



==== Scène