Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VIII.djvu/168

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Monsieur Hardouin.

Je suis désespéré de vous refuser net, mais tout net. Premièrement, parce que je suis excédé de fatigue et qu’il ne me reste pas une idée, mais pas une. Secondement, parce que j’ai heureusement, ou malheureusement, une de ces têtes auxquelles on ne commande pas. Je voudrais vous servir que je ne le pourrais.

Madame de Chepy.

Ne dirait-on pas qu’on vous demande un chef-d’œuvre ?

Monsieur Hardouin.

Vous demandez au moins une chose qui vous plaise, et cela ne me paraît pas aisé ; qui plaise à la personne que vous voulez fêter, et cela est très-difficile ; qui plaise à sa société qui est faite aux belles choses ; enfin qui me plaise à moi, et je ne suis presque jamais content de ce que je fais.

Madame de Chepy.

Ce ne sont là que les fantômes de votre paresse ou les prétextes de votre mauvaise volonté. Vous me persuaderez peut-être que vous redoutez beaucoup mon jugement ! Mon amie, j’en conviens, a le goût délicat et le tact exquis, mais elle est juste, et sera plus touchée d’un mot heureux que blessée d’une mauvaise scène ; et quand elle vous trouverait un peu plat, qu’est-ce que cela vous ferait ? Vous auriez tort de craindre nos beaux esprits, dont nous suspendrons la critique en vous nommant. Pour vous, monsieur, c’est autre chose ; après avoir été mécontent de vous-même tant de fois, vous en serez quitte pour être injuste une fois de plus.

Monsieur Hardouin.

D’ailleurs, madame, je n’ai pas l’esprit libre. Vous connaissez madame Servin ? c’est, je crois, votre amie.

Madame de Chepy.

Je la rencontre dans le monde, je la vois chez elle. Nous ne nous aimons pas, mais nous nous embrassons.

Monsieur Hardouin.

Sa bienfaisance inconsidérée lui a attiré une affaire très-ridicule, et vous savez ce que c’est qu’un ridicule, surtout pour elle. N’a-t-elle pas découvert que j’étais lié avec son adverse