À votre place, je serais curieux de savoir son avis.
Je le sais.
Quel est-il ?
Le vôtre et celui de votre ami.
Voilà une terrible autorité contre vous.
J’en conviens.
Et comment avez-vous appris le sentiment de Caillot ?
Par une femme pleine d’esprit et de finesse, la princesse de Galitzin. Caillot avait joué le Déserteur, il était encore sur le lieu où il venait d’éprouver et elle de partager, à côté de lui, toutes les transes d’un malheureux prêt à perdre sa maîtresse et la vie. Caillot s’approche de sa loge et lui adresse, avec ce visage riant que vous lui connaissez, des propos gais, honnêtes et polis. La princesse, étonnée, lui dit : « Comment ! vous n’êtes pas mort ! Moi, qui n’ai été que spectatrice de vos angoisses, je n’en suis pas encore revenue. — Non, madame, je ne suis pas mort. Je serais trop à plaindre si je mourais si souvent. — Vous ne sentez donc rien ? — Pardonnez-moi… » Et puis les voilà engagés dans une discussion qui finit entre eux comme celle-ci finira entre nous : je resterai dans mon opinion, et vous dans la vôtre. La princesse ne se rappelait point les raisons de Caillot, mais elle avait observé que ce grand imitateur de la nature, au moment de son agonie, lorsqu’on allait l’entraîner au supplice, s’apercevant que la chaise où il aurait à déposer Louise évanouie était mal placée, la rarrangeait en chantant d’une voix moribonde : « Mais Louise ne vient pas, et mon heure s’approche… » Mais vous êtes distrait ; à quoi pensez-vous ?
Je pense à vous proposer un accommodement : de réserver à la sensibilité naturelle de l’acteur ces moments rares où sa