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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, X.djvu/164

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taine, mais qui a de la santé ; elle est aussi vêtue large et à merveille. D’une main elle tient le haut du bras de sa fille ; de l’autre, elle serre le bras au-dessus du poignet : elle est assise ; elle regarde sa fille de bas en haut ; elle a bien quelque peine à la quitter ; mais le parti est bon. Jean est un brave garçon, honnête et laborieux ; elle ne doute point que sa fille ne soit heureuse avec lui. La gaieté et la tendresse sont mêlées dans la physionomie de cette bonne mère.

Pour cette sœur cadette qui est debout à côté de la fiancée, qui l’embrasse et qui s’afflige sur son sein, c’est un personnage tout à fait intéressant. Elle est vraiment fâchée de se séparer de sa sœur, elle en pleure ; mais cet incident n’attriste pas la composition ; au contraire, il ajoute à ce qu’elle a de touchant. Il y a du goût, et du bon goût, à avoir imaginé cet épisode.

Les deux enfants, dont l’un, assis à côté de la mère, s’amuse à jeter du pain à la poule et à sa petite famille, et dont l’autre s’élève sur la pointe des pieds et tend le cou pour voir, sont charmants ; mais surtout le dernier.

Les deux servantes, debout, au fond de la chambre, nonchalamment penchées l’une contre l’autre, semblent dire, d’attitude et de visage : Quand est-ce que notre tour viendra ?

Et cette poule qui a mené ses poussins au milieu de la scène, et qui a cinq ou six petits, comme la mère aux pieds de laquelle elle cherche sa vie a six à sept enfants, et cette petite fille qui leur jette du pain et qui les nourrit ; il faut avouer que tout cela est d’une convenance charmante avec la scène qui se passe, et avec le lieu et les personnages. Voilà un petit trait de poésie tout à fait ingénieux.

C’est le père qui attache principalement les regards ; ensuite l’époux ou le fiancé ; ensuite l’accordée, la mère, la sœur cadette ou l’aînée, selon le caractère de celui qui regarde le tableau, ensuite le tabellion, les autres enfants, les servantes et le fond. Preuve certaine d’une bonne ordonnance.

Teniers peint des mœurs plus vraies peut-être. Il serait plus aisé de retrouver les scènes et les personnages de ce peintre ; mais il y a plus d’élégance, plus de grâce, une nature plus agréable dans Greuze. Ses paysans ne sont ni grossiers comme ceux de notre bon Flamand, ni chimériques connue ceux de