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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, X.djvu/213

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tous ces groupes, ce sont autant de petits tableaux vrais et caractéristiques du local ; les figures en sont du dessin le plus correct. Comme la touche en est spirituelle et légère ! Qui est-ce qui entend la perspective aérienne mieux que cet homme-là ?

Regardez le Port de la Rochelle avec une lunette qui embrasse le champ du tableau et qui exclue la bordure, et oubliant tout à coup que vous examinez un morceau de peinture, vous vous écrierez, comme si vous étiez placé au haut d’une montagne, spectateur de la nature même : « Oh ! le beau point de vue ! »

Et puis la fécondité de génie et la vitesse d’exécution de cet artiste sont inconcevables. Il eût employé deux ans à peindre un seul de ces morceaux qu’on n’en serait point surpris, et il y en a vingt de la même force. C’est l’univers montré sous toutes sortes de faces, à tous les points du jour, à toutes les lumières.

Je ne regarde pas toujours, j’écoute quelquefois. J’entendis un spectateur d’un de ces tableaux qui disait à son voisin : « Le Claude Lorrain me semble encore plus piquant… » et celui-ci qui lui répondait : « D’accord, mais il est moins vrai. »

Cette réponse ne me parut pas juste. Les deux artistes comparés sont également vrais ; mais le Lorrain a choisi des moments plus rares et des phénomènes plus extraordinaires.

Mais, me direz-vous, vous préférez donc le Lorrain à Vernet ? car quand on prend la plume ou le pinceau, ce n’est pas pour dire ou pour montrer une chose commune.

J’en conviens ; mais considérez que les grandes compositions de Vernet ne sont point d’une imagination libre, c’est un travail commandé, c’est un local qu’il faut rendre tel qu’il est, et remarquez que dans ces morceaux mêmes Vernet montre bien une autre tête, un autre talent que le Lorrain par la multitude incroyable d’actions, d’objets et de scènes particulières. L’un est un paysagiste, l’autre un peintre d’histoire et de la première force dans toutes les parties de la peinture.


92. la bergère des alpes, sujet tiré des contes moraux de m. marmontel.


Mme Geoffrin, femme célèbre à Paris, l’a fait exécuter. Je ne trouve ni le conte ni le tableau bien merveilleux. Les deux