Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, X.djvu/218

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D’abord le genre me plaît ; c’est la peinture morale. Quoi donc ! le pinceau n’a-t-il pas été assez et trop longtemps consacré à la débauche et au vice ? Ne devons-nous pas être satisfaits de le voir concourir enfin avec la poésie dramatique à nous toucher, à nous instruire, à nous corriger et à nous inviter à la vertu ? Courage, mon ami Greuze, fais de la morale en peinture, et fais-en toujours comme cela ! Lorsque tu seras au moment de quitter la vie, il n’y aura aucune de tes compositions que tu ne puisses te rappeler avec plaisir. Que n’étais-tu à côté de cette jeune fille qui, regardant la tête de ton Paralytique, s’écria avec une vivacité charmante : « Ah ! mon Dieu, comme il me touche ! mais si je le regarde encore, je crois que je vais pleurer. » Et que cette jeune fille n’était-elle la mienne ! je l’aurais reconnue à ce mouvement. Lorsque je vis ce vieillard éloquent et pathétique, je sentis comme elle mon âme s’attendrir et des pleurs prêts à tomber de mes yeux.

Ce tableau a 4 pieds 6 pouces de large sur 3 pieds de haut.

Le principal personnage, celui qui occupe le milieu de la scène et qui fixe l’attention, est un vieillard paralytique étendu dans son fauteuil, la tête appuyée sur un traversin et les pieds sur un tabouret. Il est habillé ; ses jambes malades sont enveloppées d’une couverture. Il est entouré de ses enfants et de ses petits-enfants, la plupart empressés à le servir. Sa belle tête est d’un caractère si touchant, il paraît si sensible aux services qu’on lui rend, il a tant de peine à parler, sa voix est si faible, ses regards si tendres, son teint si pâle, qu’il faut être sans entrailles pour ne pas les sentir remuer.

À sa droite, une de ses filles est occupée à relever sa tête et son traversin.

Devant lui, du même côté, son gendre vient lui présenter des aliments. Ce gendre écoute ce que son beau-père lui dit, et il a l’air tout à fait touché.

À gauche, de l’autre côté, un jeune garçon lui apporte à boire. Il faut voir la douleur et toute la figure de celui-ci ; sa peine n’est pas seulement sur son visage, elle est dans ses jambes, elle est partout.

De derrière le fauteuil du vieillard sort une petite tête d’enfant. Il s’avance, il voudrait bien aussi entendre son grand-papa,