Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XII.djvu/97

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
87
SUR LA PEINTURE.

sonne. » Eh bien ! si vous avez ce tact, qui n’est pas rare, votre toile ne sera ni vide ni surchargée.

Vous entrez dans un appartement, et vous dites : « Qu’est-ce qui les a tous entassés dans cet endroit ? » ou : « Je les trouve bien isolés les uns des autres. » Eh bien, si vous avez ce tact, qui n’est pas rare, il y aura de l’air entre vos figures, et elles ne seront ni trop pressées ni trop éloignées.

*

Si l’intérêt mesure la distance de chacune à l’objet principal, elles seront à leur véritable place.

Si l’intérêt varie leur position, elles auront leur véritable attitude.

Si l’intérêt varie leur expression, elles auront leur véritable caractère.

Si l’intérêt varie la distribution des ombres et des lumières, et que chaque figure prenne de la masse générale la portion relative à son importance, votre scène sera naturellement éclairée.

Si vos lumières et vos ombres sont larges, et que le passage des unes aux autres soit imperceptible et doux, vous serez harmonieux.

*

Il y a des espaces arides dans la nature, et il peut y en avoir dans l’imitation.

*

Quelquefois la nature est sèche, et jamais l’art ne le doit être.

*

Ce sont les limites étroites de l’art, sa pauvreté, qui a distingué les couleurs en couleurs amies et en couleurs ennemies. Il y a des coloristes hardis qui ont négligé cette distinction. Il est dangereux de les imiter, et de braver le jugement du goût fondé sur la nature de l’œil.

*

Éclairez vos objets selon votre soleil, qui n’est pas celui de la nature ; soyez le disciple de l’arc-en-ciel, mais n’en soyez pas l’esclave.

*

Si vous savez ôter aux passions leurs grimaces, vous ne