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OBSERVATIONS SUR L’ÉGLISE SAINT-ROCH.

effacer de là une petite Vierge mesquine, qu’on aperçoit à peine et sur laquelle il n’y a qu’un jugement, pour y peindre un beau Père éternel, bien vieux, bien noble, bien majestueux.

La Gloire de la chapelle de la Vierge vue du milieu de la nef fait l’effet d’un riche baldaquin sous lequel la scène de l’Ange et de la Vierge se passe et cela est heureux.

Derrière la chapelle de la Vierge est l’autel de la Communion, où l’on remarque deux anges adorateurs qui sont beaux.

Et derrière la chapelle de la Communion est un Calvaire. Nous nous arrêterons un moment ici, moins pour ce qu’on a fait, que pour ce qu’on aurait pu faire. Pour produire un grand effet, celui d’un discours pathétique subsistant, l’endroit est trop petit et trop éclairé ; moins de lumière inspirerait de la mélancolie à ceux qui n’en auraient pas, et l’augmenterait dans l’âme de ceux qu’elle y aurait conduits.

Plus d’espace, il y aurait eu plus de grandeur dans les figures, plus de figures, plus d’action, un plus grand spectacle.

On voit ici au lieu le plus élevé, dans l’enfoncement d’une niche, un Christ attaché à la croix ; au pied de la croix une Madeleine éplorée. Le Christ est mauvais. La Madeleine vaut mieux ; c’est une assez bonne imitation de Le Brun.

La croix est plantée sur un rocher, le rocher est brisé inégalement en plusieurs endroits. Sa rupture forme plus bas comme un commencement de caverne. Là-dessous on a pratiqué un autel de marbre bleu turquin en tombeau ; deux urnes fument aux deux bouts du tombeau. Sur le milieu est un bout de colonne dorée qui forme le tabernacle. Sur ce bout de colonne on a jeté la robe du crucifié, les clous, la lance, la couronne, les dés, les autres instruments de la Passion. Cela est poétique et beau, mais on en pouvait tirer un meilleur parti.

A droite sur le rocher, à l’endroit où il se brise, il y a deux soldats, petits, mesquins, qui ressemblent à deux morceaux de carton découpés et qui font fort mal. Sur le milieu, un peu au-dessus de la colonne qui fait le tabernacle, et sur l’extrémité des débris du rocher, le serpent forme des convolutions ; il a la tête tournée vers le fond et semble siffler et darder sa langue fourchue contre le Christ.

Si j’avais eu l’idée d’exécuter un Calvaire, j’aurais embrassé un grand espace et j’aurais voulu y montrer une grande scène