Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XIII.djvu/81

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rire. Rarement d’accord sur les idées et sur la manière de les exécuter, on se brouillait, on se raccommodait, on riait, on pleurait, on se disait des injures, des douceurs ; et c’est au milieu de toutes ces vicissitudes que le tableau s’avançait et s’achevait.

Personne n’a mieux prouvé que Carle Van Loo combien le génie est différent de l’esprit. On ne peut lui disputer un grand talent ; mais il était d’ailleurs fort bête, et c’était pitié de l’entendre parler peinture. Dans le choix, j’aime mieux un peintre faisant de beaux tableaux qu’un artiste jasant bien sur son art ; car les bavards ne sont bons à rien. Ils ont fait grand tort au bon Van Loo. Le premier malotru assez confiant pour dire ses bêtises était capable de lui barbouiller le plus beau tableau avec une sotte critique ; il en a gâté plus d’un sur des observations qui n’avaient souvent pas le sens commun ; et, à force de changer, il se fatiguait sur son sujet, et finissait par un mauvaise composition, après en avoir effacé une excellente.

Van Loo avait épousé à Turin une femme de mérite, sœur de Somis, célèbre violon en son temps. Elle était elle-même excellente musicienne, et chantait très-agréablement. Elle reste veuve sans fortune, mais elle obtiendra sans doute une pension du roi. Il en a eu une fille fort jolie qui est morte, et deux garçons qui, bien loin d’avoir des talents, ne promettent pas même d’être de fort bons sujets[1].

  1. L’un d’eux a cependant exposé au Salon de 1771, v. t. XI, p. 477.