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leur sœur. Je vous aime comme le premier jour. Je vous désire et vous attends comme à notre première séparation. Je vous suis fidèle, comme si cela me coûtait beaucoup. Il n’y a que le mérite de la difficulté qui manque à tout ce que je fais. Adieu.


LXXIV


Paris, ce 22 août 1762.


J’attends votre dix-neuvième avec bien de l’impatience ; car qui peut deviner les suites de cet incendie ? Il ne faut qu’une étincelle assoupie sous la cendre, un peu d’air pour renouveler le danger. Je vous vois au milieu des travailleurs, dans l’eau, dans la boue, etc. Quelles alarmes vous avez eues ! quelle fatigue ! Vous vous portez bien, dites-vous ? Je ne saurais me le persuader. Si vous n’étiez qu’à vingt lieues d’ici, et qu’on pût aller et revenir dans un jour de poste, je saurais tout cela par moi-même. Vous avez raison, la nuit, tout était perdu ; dans la soirée, les habitants de la campagne étant dispersés, le désastre eût été bien plus grand.

Il y a dans votre récit des circonstances qui me font frémir. Comment vont les bras, les pieds, les jambes ? Et la chère sœur ? Je la crois dans un état presque aussi pitoyable que vous. Trois femmes, l’une avancée en âge, l’autre faible et délicate, celle-ci n’ayant qu’un souffle de vie, portant des fardeaux, se livrant à des travaux fort au-dessus des forces des hommes les plus robustes ! C’est à présent que vous devez sentir votre lassitude. Dans le premier jour le corps se soutient par la violence de l’activité que le péril lui a donnée ; mais cette activité tombe à mesure que la sécurité revient, et l’on est accablé. C’est là du moins l’effet des transports de la colère, quand j’en prends trop. Je vous suppose à présent étendues dans vos lits, sans pouvoir remuer ni pieds, ni pattes. Je suis bien aise que vous ayez vu dans cette triste circonstance tous vos domestiques tels que vous le souhaitiez. J’envie à l’abbé du Moucets les secours que vous en avez reçus. Après vous avoir montré tout son dévouement