Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XIX.djvu/120

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans le moment périlleux, il se croira obligé de politesse à vous faire compagnie les jours qui suivront. Il sera bien fier d’avoir pu vous être bon à quelque chose : j’aurais un autre sentiment à sa place.

Jusqu’à présent je ne vous ai pas chargé d’un seul mot pour votre mère. Je vous prie de lui marquer toute la part que je prends à son accident. Ah ! ma pauvre amie, comme vous voilà, avec vos jambes plus gonflées que jamais, vous traînant avec votre bâton. Et la perte des foins, des grains, des bâtiments ? Cela doit monter haut !

Je n’ai pas le courage de reprendre la suite de mon journal ; j’attendrai que vous me l’ordonniez. Vous me demandez dans votre dernière l’Éloge de Crébillon, vous l’avez à présent. On a fait un petit volume de mon Éloge de Richardson, du Testament et de la Pompe de Clarisse[1]. J’en ai pris deux exemplaires, un pour vous, un pour moi. J’espérais joindre à cette lettre la suite de l’affaire tragique des Calas ; mais l’impression n’en est pas achevée, ce sera pour jeudi prochain. Adieu, mes bonnes, mes vraies amies. Je voudrais bien être à côté de vous, pour peu que vous me crussiez utile, vous ne doutez point de ce que je ferais. Dites un mot.

C’est après-demain votre fête. Si Uranie pensait à vous présenter deux fleurs, une pour elle et l’autre pour moi ! C’est précisément comme je ferais à sa place. Voilà qui est arrangé pour longtemps : le jour de la Saint-Louis, il y aura toujours soixante lieues de distance entre vous et moi. Écoutez bien tout ce que notre chère sœur vous dira ; ce sont mes souhaits. Elle sait combien ma tendresse fait à votre bonheur ; elle vous promettra la durée de son amitié ; elle vous désirera la durée de mon amour. Je vous réponds de ce point-ci ; c’est mon affaire. Toujours, mon amie, toujours vous me serez chère ; faites seulement que ce toujours dure longtemps. Je l’ai enfin, ce portrait, enfermé dans l’auteur de l’antiquité le plus sensé et le plus délicat : mercredi je le baiserai, le matin en me levant, et le soir en me couchant je le baiserai encore.

Il n’y a plus de Jésuites ici. On a encore publié quelques arrêts que je ne vous envoie point. Ils ne signifient pas grand’chose.

  1. Lyon, 1762, in-12.