Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XIX.djvu/12

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J’ai été flatté de voir que mon témoignage donnait du poids à des récits qu’on lui faisait, et qu’elle avait de la répugnance à croire. Elle m’a vu partir avec peine. Elle ne doutait pas qu’un mot d’elle ne me retînt, mais elle ne l’a pas dit. Et le père Hoop ? Nous nous sommes baisé les joues, serré les mains, et bien promis de nous rapprocher incessamment. Je lui ai conseillé, en attendant, d’aller prendre l’air sur les lieux hauts.

Me voilà donc de retour à Paris. J’arrive, et je retrouve Jeanneton convalescente de plusieurs abcès à la gorge, pour lesquels elle a été soignée plusieurs fois, et qu’il a fallu ouvrir à la lancette, les uns après les autres ; ma femme au vin de quinquina, pour une fièvre réglée dont elle a eu les premiers accès dans les premiers jours de mon départ, et qu’on n’a point encore pu déraciner ; la petite fille avec le nez galeux, la fièvre, et les amygdales enflées : ainsi me voilà dans un hôpital, et je suis où je dois être, car je ne me porte pas trop bien. J’ai l’estomac tout à fait dérangé. J’avais pris sur moi de ne plus paraître à table le soir ; ils m’entraînèrent hier malgré moi. Il y avait des poires excellentes, j’en mangeai une, et puis une autre, et une troisième : je les sens aujourd’hui à six heures comme si je sortais de table. Le thé n’y a rien fait ; mais cela finira comme toutes les indigestions, et puis je me porterai bien, et ce sera pour longtemps ; car me voilà rendu à ma vie ordinaire et sobre.

Tout en arrivant à Paris, je suis accouru sur le quai des Miramionnes ; car il fallait que j’eusse vos lettres, s’il m’en était venu quelques-unes, et que je les empêchasse d’aller me chercher au Grandval où je n’étais plus, et où j’avais assuré avant-hier à Damilaville que je resterais jusqu’à mardi. Damilaville n’y est pas ; il dîne chez une amie. En attendant qu’il revienne et que je vous lise, je vous écris.

Combien de tournées j’ai déjà faites depuis que je suis rentré dans cet enfer ! Combien j’ai vu de monde ! Quelle vie en comparaison de celle des champs ! Je ne serais pas ici, si j’avais pensé que c’est lundi, et que Grimm est arrivé de la Chevrette. Mais je me console de cette distraction. Si je ne suis pas avec lui, du moins je m’entretiens avec vous. Damilaville, qui est très-pressé de me voir, m’a fait dire par son domestique que si je ne me hâtais pas d’aller à lui, il se hâterait de venir à